Si le cannabis comestible permet de produire les effets euphorisants du cannabis tout en évitant les effets secondaires de la fumée, le décalage entre son absorption et ses effets peut inciter à la surconsommation et aux résultats imprévisibles
Étant à la fois médecin de famille et spécialiste de la dépendance, j’ai vu chez bien des adolescents les conséquences négatives du cannabis sur leur humeur, leur motivation, leur sommeil, et même leur capacité à fonctionner.
Des dégâts significatifs pour les jeunes
L’effet euphorisant du cannabis absorbé oralement peut être décalé d’environ 90 minutes après son absorption, atteindre un point culminant quelques heures plus tard, et se poursuivre pendant plusieurs heures. Au-delà des effets attendus, tels qu’une diminution de la concentration, une réduction de la capacité à agir, et des troubles de la mémoire, une intoxication aiguë au cannabis peut se traduire par des crises d’anxiété sévères, des attaques de panique, de la nausée, du délire, ou des épisodes psychotiques.
S’il est vrai que ces symptômes sont souvent passagers et qu’il soit peu probable qu’une surdose de cannabis puisse être mortelle, il n’en demeure pas moins que ses effets peuvent provoquer d’importants handicaps, tant mentaux que physiologiques.
Aux débuts de la légalisation en Oregon et en Alaska, sur une liste 253 cas de surdose sur une période de 16 mois, dont certaines ont besoin d’un séjour aux soins intensifs, et un cas ayant provoqué la mort: 71 personnes étaient des enfants moins de 12 ans et 42 étaient âgés de 12 à 17 ans L’âge médian n’était que de 20 ans.
Au-delà du risque d’intoxication aigüe, l’usage du cannabis à partir de l’adolescence est associé à diverses pathologies, y compris à la dépression, aux tendances suicidaires, et à la schizophrénie Si l’on patient compte compte du fait que les jeunes Canadiens sont les plus grands utilisateurs au monde, et qu’ils croient, ont changé aux preuves scientifiques, que le cannabis améliore leur humeur, leurs symptômes d’anxiété, et leur sommeil, nous faisons face à des défis importants si nous voulons les protéger des effets dommageables du cannabis.
Les stupéfiants, ce ne sont pas des bonbons
Malheureusement, Santé Canada a autorisé des concentrations inquiétantes de THC (jusqu’à 30 pour cent dans certains cas) dans les produits de cannabis séché. Si bien des produits comestibles seront achetés directement d’un détaillant, les produits «maison» pourraient contenir des taux encore plus élevés de THC.
Santé Canada n’a pas fait grand-choisi non plus pour encadrer l’information diffusée par l’industrie: elle a permis aux producteurs d’émettre des allégations sans fondement sur les vertus thérapeutiques du cannabis, ce qui renforce encore avantage la perception positif que les adolescents peuvent avoir du cannabis.
Les chocolats à la marijuana seront largement disponibles dès les produits comestibles sur le marché. (Shutterstock)
Si Santé Canada n’autorise pas la publicité directe sur le cannabis et exige que les produits soient emballés dans un contenant neutre associé aux messages d’avertissement, l’industrie du cannabis a le droit de faire du marketing par appelé des médias et sur leurs sites Internet.
Santé Canada doit faire mieux
Santé Canada a émis des vagues déclarations qui disent que les produits ne devraient pas être attrayants pour les jeunes, mais il semble difficile de croire que du chocolat et des bonbons parfumés nommés «Pineapple Orange Gummies» n’exerceraient pas un pouvoir d’attraction sur cette population…
Il faut une campagne de santé publique mieux ciblée ainsi que des détournements détaillés sur les produits mis en vente. Éduquer les jeunes est un gros défi, mais il est impératif de faire.
Si c’est la Cour suprême du Canada qui a décidé d’autoriser le cannabis, c’est à Santé Canada qu’incombe la responsabilité réglementaire et éducative. En 2018, Santé Canada a alloué 100 millions de dollars répartis sur six ans pour l’éducation et le contrôle de l’usage du cannabis Mais ce sont 186 millions de dollars qui ont été récoltés en impôts dans les cinq premiers mois de la légalisation. Santé Canada peut et doit investir bien davantage en surveillance et en éducation. La santé collective de nos jeunes en dépend.