Les migrants sont-ils mieux payés ou moins payés que leurs collègues natifs ? Cette colonne fournit un aperçu unique en examinant les données d’une industrie où il y a beaucoup d’étrangers et où leur qualité relative peut être facilement mesurée – le football professionnel en Italie.
Les migrants sont-ils payés plus ou moins que les natifs pour un travail identique ou similaire et, s’ils sont payés différemment, pouvons-nous être sûrs que cela est dû à leur statut de migrant plutôt qu’à d’autres différences entre les migrants et les natifs, telles que leurs niveaux de productivité ? Il s’agit d’une question de longue date en économie du travail, et qui reste largement non résolue en raison de l’insuffisance des données existantes. L’histoire standard ou traditionnelle est que les travailleurs migrants sont moins bien payés que leurs homologues autochtones, mais que l’écart se comble avec le temps en raison de l’assimilation dans le pays d’accueil. Cette assimilation implique souvent l’apprentissage de compétences propres au pays d’accueil, telles que les compétences linguistiques, ou le dépassement des barrières initiales à l’exercice du métier pour lequel ils ont été formés dans leur pays d’origine (Dustmann et Fabri 2003, Friedberg 2000). Néanmoins, une pénalité salariale persiste généralement et cela est souvent attribué à la discrimination sur le marché du travail en raison des préférences des employeurs.
Mais la théorie économique ne prédit pas nécessairement que tous les migrants recevront un salaire inférieur à celui des autochtones. En fait, dans un marché mondial de main-d’œuvre hautement qualifiée, les employeurs chercheront à recruter les meilleurs talents, qu’ils soient natifs du pays ou non. On peut s’attendre à ce que les travailleurs hautement qualifiés ne déménagent que dans des circonstances où ils reçoivent de très bonnes offres qui justifient leur départ de leur pays d’origine. Ainsi, il semble probable que les migrants seront tirés du haut du spectre des capacités, commandant une prime par rapport aux autochtones.
Pourquoi est-ce une question difficile à répondre?
La plupart des études existantes présentent deux très gros inconvénients qui font qu’il est très difficile de savoir si les migrants subissent réellement une pénalité salariale ou une prime salariale.
La première est qu’ils comparent les travailleurs entre les professions, ce qui rend difficile d’établir si les différences de salaire reflètent le statut de migrant ou sont, en fait, dues à des différences professionnelles ou de compétences.
Le deuxième inconvénient majeur est qu’ils manquent de productivité du travail au niveau individuel, de sorte qu’ils ne sont pas en mesure de quantifier la contribution à l’écart salarial des écarts de productivité du travail entre les natifs et les migrants.
Dans une nouvelle étude, nous surmontons les problèmes des études antérieures en analysant les écarts de salaire entre les footballeurs professionnels en Italie (voir Bryson et al 2012). Parce que les footballeurs migrants et natifs se substituent clairement les uns aux autres, et parce que nous disposons d’informations au niveau individuel sur ce que font les joueurs dans chaque match, nous sommes en mesure d’isoler les effets du statut de migrant sur les salaires.
Une prime salariale pour les migrants
En utilisant les données de suivi des joueurs des séries A et B italiennes pour la période 2000-2008, nous constatons une prime salariale substantielle pour les joueurs migrants par rapport à leurs homologues natifs (italiens). L’écart brut – sans tenir compte des différences entre les joueurs – est un énorme 62 %. Mais cela chute considérablement si l’on tient compte des différences de caractéristiques démographiques, de position sur le terrain et, surtout, de productivité du travail sur le terrain (en utilisant 20 mesures, l’ensemble de mesures le plus riche utilisé dans les études sur les performances des footballeurs). Un avantage salarial des migrants compris entre un quart et un tiers est toujours apparent même parmi les joueurs d’une même équipe et n’est que partiellement expliqué par la productivité individuelle du travail.
Deux questions évidentes se posent.
D’abord, pourquoi les migrants reçoivent-ils une prime ?
Deuxièmement, les équipes italiennes bénéficient-elles du paiement de ces salaires plus élevés aux joueurs étrangers ?
Nous explorons deux raisons potentielles de l’avantage salarial des migrants. La première est que ceux qui migrent vers l’Italie sont des superstars du football. « Superstars » a deux significations spécifiques en économie discutées dans deux articles fondateurs (Rosen 1981 ; Adler 1985). Sherwin Rosen considère les superstars comme des travailleurs plus productifs que leurs homologues, tandis que Michael Adler les considère comme populaires parmi les consommateurs, de sorte qu’ils attirent un public plus large. Dans les deux cas, ils ont tendance à exister dans des contextes où la productivité ou la popularité d’un individu se traduit par des gains de revenus très importants pour l’employeur, comme cela se produit dans les sports télévisés ou les concerts de musique où la productivité de l’individu est « augmentée » par le contexte technologique dans lequel le le travailleur effectue. La deuxième raison potentielle d’une prime salariale pour les migrants est la possibilité que les travailleurs autochtones subissent une baisse de salaire pour rester dans leur pays d’origine.
Nous montrons que le différentiel reflète en partie le statut de superstar des travailleurs migrants, mais il reflète également les préférences des travailleurs domestiques pour travailler dans leur région d’origine. Chez les Italiens, ceux qui évoluent à proximité de leur lieu de naissance subissent un malus salarial particulièrement important. On peut considérer le fait d’être « local » comme une commodité pour laquelle ils sont prêts à accepter un différentiel salarial compensatoire. Alternativement, on pourrait dire que ces acteurs sont contraints d’accepter ce salaire face au pouvoir de monopsone patronal, ce qui n’affecte pas les travailleurs migrants.
Les clubs de football profitent-ils de ce talent migrant ? La réponse est oui. Nous estimons les contributions des joueurs aux victoires de l’équipe et à la participation des fans aux matchs qui, dans nos données, sont les principaux déterminants des revenus de l’équipe. Pour ce faire, nous examinons les changements dans les points gagnés et la fréquentation de la foule au sein de chaque équipe saison après saison et les comparons aux changements dans la part des migrants dans l’équipe. Nous constatons qu’une augmentation de 1 % de l’écart type de la part des migrants augmente la fréquentation de la foule aux matchs d’un peu moins de 1 %. L’effet sur le nombre de points qu’une équipe gagne est d’une ampleur similaire. Ces augmentations de points d’équipe et de fréquentation de la foule avec l’augmentation du pourcentage de migrants dans l’équipe sont de solides indicateurs du statut de superstar des migrants.